Il y a eu un film qui a fait une sacrée polémique lors de sa projection au Festival de Cannes cette année. Entre amour encensé et haine déchaînée, Holy Motors aurait dû, pour la presse française, remporter la palme d’or. Certains disent même qu’il a changé à jamais leur vision du cinéma, voir du monde. Lourde responsabilité pour les épaules de Leos Carax (Les Amants du Pont-Neuf), le réalisateur de ce long-métrage étrange dont les intentions ne sont pas sans rappeler un certain réalisateur de la Nouvelle Vague tant ce film est une mise en abîme du cinéma. Chef d’oeuvre pour autant? Difficile à dire…
Holy Motors est à double tranchant, c’est bien là le problème. Son premier tranchant peut en effet être considéré comme génial, surtout dans le cinéma français qui aime voir ses réalisateurs torturés livrer une réflexion sur leur métier. Ainsi, la scène d’ouverture nous annonce clairement qu’on ne va pas voir un film normal : on nous met face à nous-même, face à une salle de spectateurs plongés dans le noir, fixant l’écran. C’est donc un miroir que Carax présente, miroir du spectateur mais surtout miroir de lui-même, car Holy Motors est en fait un condensé de films, des histoires que Carax aurai pu ou voulu filmer, mais qu’il a préféré réunir dans une grand messe porté par un acteur, Denis Lavant. Ce comédien change de peau comme on change de chemise, enchaîne les « rendez-vous » comme autant de scènes de films différents où il n’y aurait plus de caméra, où l’on se demande si tout n’est pas qu’illusion, tout n’est pas cinéma, parfois si réel pourtant. Son moteur est un moteur, celui de la limousine qui le ballade à travers Paris, dont parfois les desseins sont obscurs.
Et c’est ici qu’on voit le revers de la médaille : les films auto-réflexifs, c’est bien beau mais, et sans prendre aucun spectateur pour plus bête qu’il ne l’est, ça en laisse quand même beaucoup de côté, moi en premier. Car même si l’on comprend très bien l’intention du réalisateur et que l’on a parfois à faire à de très beaux moments (surtout la scène presque finale avec Kylie Minogue), le film est souvent hermétique et truffé d’idées que l’on ne capte pas, qui ne passent pas et qui déconcertent plus qu’autre chose. Cela agace, bien que l’on sache laisser du temps au film pour prendre racine. Du coup, cette inégalité des histoires et son message très théorique gâche un peu la poésie des images et la performance de la réalisation. Bref, il est compréhensible que l’on célèbre ce film, mais si vous voulez tenter l’expérience, allez-y en toute connaissance de causes, sans vous attendre à quelque chose de logique, et sans trop essayer de tout analyser non plus.