Un petit exercice d’écriture ? 15 minutes, environ 2300 signes, une phrase : « The Fire of Gods ». Si vous le tentez, postez votre texte en commentaire !
Pierre avait allumé sa cigarette persuadé qu’il l’avait bien mérité. La semaine de négociations avait été longue mais, à force de menaces, il avait obtenu la somme d’argent dont il rêvait. Affalé dans un vieux canapé, les yeux fixés sur une des nombreuses taches parsemant les vieux coussins, il tira une bouffée de nicotine salvatrice. Les choses n’allaient plus si mal, si l’on considérait l’état d’esprit catastrophé dans lequel il était il y a encore quelques jours. Il avait triché, volé et failli finir en prison. Mais la prise d’otage fut une de ses meilleures trouvailles. De la cendre s’échappa de son mégot et il l’écrasa sur la petite coupelle qui servait de cendrier. Il étendit le bras, son corps long et décharné lancé pour attraper une deuxième cigarette dans le paquet posé sur la table basse. Il craqua une allumette. Le bout de sa clope s’embrasa facilement, et il jeta l’allumette sur le côté d’un geste mécanique. Elle atterrit sur le lourd rideau trop long de la fenêtre adjacente. Elle n’était pas complètement éteinte mais il ne le remarqua pas. Il avait encore quelques heures avant de sauter dans l’avion, son faux passeport en poche, plus rien ne pouvait l’arrêter. Il eu un éclair de souvenir, un visage dans la tête, cette dame sur laquelle il avait dû tirer. Il hésita à laisser la culpabilité l’envahir, mais sa faculté à bloquer les émotions trop fortes fit son travail à la perfection. Il soupira et tira une nouvelle bouffée d’addiction. Il s’imaginait déjà loin, dans quelques villes exotiques, lorsqu’il vit qu’il y avait bien trop de fumée pour sa seule cigarette
Le le rideau était en feu. Il sauta sur ses pieds mais c’était trop tard : le feu se propageait rapidement, et l’angoisse soudaine qui l’envahit le paralysait complètement. Il avait tellement fait appel à son instinct de survie ces derniers temps qu’il ne pouvait croire que cela se finirait ainsi. Juste avant de se mettre à courir en direction de la porte, il pensa que c’était trop bête. Mourir maintenant, alors qu’il avait accompli tant de choses. Il n’arrivait plus à respirer, la fumée l’empêchait de trouver ses clés. S’enfermer chez soi pour éviter la police semblait une brillante idée, maintenant, il pensait que des dieux lui avaient joué un mauvais tour. Il n’avait jamais cru en rien, mais là, en tombant sur le sol, à deux doigts de s’asphyxier, il se prit à penser que les dieux manipulateurs du destin avait décidé de ce feu et devaient bien se marrer. Les dieux de l’ironie, probablement.
« Fire of the gods »
Sublime ce regard jaillissant de cette peau fripée, mais terriblement glacial. Il désirait quelque chose, cela crevait les yeux. Un léger mouvement de son corps et je compris qu’il hésitait à rentrer dans la boutique. J’étais là, derrière ce comptoir depuis seulement trois jours, aucun client n’avait autant attiré mon attention. Le vieil homme poussa enfin la porte et rentra comme le malheur s’installe dans les vies, lent et silencieux, absurde et manifeste. Il passa devant moi, bonjour, il ne répondit pas. Cheveux gris et blancs tombant sur ses épaules. l’assemblage de vêtements sous lequel il dissimulait une frêle stature avait tout le caractère de la négligence. Ses pieds semblaient trop lourds pour lui. Or, son visage brillait d’une telle majesté que cela révélait finalement dans son apparente insignifiance une sorte de noblesse en friche. Je l’observais se faufiler entre les rayons, tirer quelques livres au hasard, feuilleter deux trois pages, puis les reposer. Je crois qu’un moment il me surprit à le détailler, mais il ne me mit pas dans l’embarras car il fit mine de continuer ses recherches. Une dame vint subitement interrompre mon observation. C’est pour offrir? non merci je vais le lire de suite. A peine le temps de l’encaisser et de la saluer que le vieil homme avait déjà disparu. Intrigué, je passai devant le comptoir pour partir à sa recherche au fond du magasin. Rien, personne, volatilisé. Seul un livre au sol gisait devant le dernier présentoir. C’était un livre d’occasion jauni et flétri par l’usure ou l’abandon. Recueil obscur de poésie anglaise, romantisme et symbolisme, XVIIIeme siècle. Je le saisis et glissai mon pouce entre ses pages. Avant de le refermer puis de le reposer, je lus la fin d’un des poèmes : « Blaze of bitterness’ rancour melt down’, Only silence prevail in the fire of the gods ». J’eus à cet instant l’intime conviction que le vieil homme avait trouvé ce qu’il était venu chercher.
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Excellent exercice, seulement 15 minutes c’est un peu court. J’avoue, je n’ai pas compté les minutes de retouche.