Présenté cette année en compétition au Festival de Cannes, le dernier long-métrage d’Alain Resnais semble, à la vision de la bande-annonce, étrange et pas franchement emballant. Mais c’est toujours comme ça, avec les oeuvres de ce nonagénaire qui n’a apparemment pas l’intention d’arrêter son cinéma. Avec Vous n’avez encore rien vu, il nous fait la surprise d’un bel exercice de style.
Un metteur en scène (Podalydés) convie post-mortem ses acteurs fétiches à sa veillée funèbre. Tous ont joué à un moment un rôle dans sa pièce Eurydice, et maintenant qu’une jeune troupe de théâtre veut l’interpréter à nouveau, c’est à eux de juger de la qualité de la prestation. Treize acteurs qui vont se laisser prendre par leur souvenir, et rejouer à leur tour les scènes des amours d’Orphée. Mise en abyme, théâtre filmé dans le théâtre, hommage, les noms pour la mise en place du processus du film ne manquent pas. On fait, il est vrai, appel à l’intellect des spectateurs, ici, comme au théâtre, il faut accepter des prémisses : rien n’est vraiment, ce n’est même pas l’histoire qui compte mais bien les mots, les jeux de décors et de personnages. Plusieurs couples pour un même amour (Arditi/Azéma d’un côté, bien plus présent que Consigny/Wilson), beaucoup de très bons acteurs s’amusant à des choses sans âge qui ne sont pourtant plus de leurs âges. Le film, a un moment, bascule presque dans une longueur et frôle un peu l’ennui, mais on est étonné du rebond qu’il prend – la pièce dont il s’inspire, celle d’Anouilh, étant raccourcie. C’est donc un film pas comme les autres que nous n’avions en effet jamais vu avant, avec des acteurs que pour beaucoup Resnais connait par coeur et dont il décline les visages.