S’il est vrai qu’on peut être heureux comme Ulysse à retrouver le pays de nos vertes années, il est difficile d’envier la place de Pénélope qui, restée à Ithaque, attend désespérément le retour de son époux et roi. Ou celle de Télémaque, fils sur-protégé qui ne trouve pas sa place. C’est pourtant ce que raconte la nouvelle série originale d’Arte, Odysseus, crée par Frédéric Azémar et diffusée en juin. Se frotter à une histoire mythique dans une économie telle qu’est celle de la télévision française est une sacrée ambition mais Odysseus ne s’en sort pas trop mal.
Avant le début de la projection d’Odysseus à Séries Mania, le réalisateur prévient : pour ceux qui sortiraient après les deux premiers épisodes, attendre de voir la suite avant de juger la série. Avertissement assez étrange en soi, mais que l’on finit par comprendre. Le premier épisode de la série est un pilote d’exposition qui prend son temps pour installer les relations entre les personnages, leurs envies, leurs désirs, leurs problématiques et surtout mettre en exergue Ulysse, l’éternel absent. Tout cela est parfois fait de façon bourrue, par des dialogues manquant de finesse et surtout dans une ambiance qui dérange… Cette Ithaque-là ne semble pas assez vraie, un peu trop petite, vide, presque en carton-pâte et les comédiens y évoluent de façon mal aisée, ne semblent pas y prendre leur marque. Mais il faut vite accepter que les moyens sont ce qu’ils sont, et se concentrer sur les drames qui se jouent devant nous, car c’est en fait comme un décor de théâtre qu’il faut prendre les rues d’Ithaque, comme une arène où l’important n’est pas tant la crédibilité que la force du propos. Très proche de la tragédie grecque, Odysseus s’emballe alors au fur et à mesure des épisodes, portée par des cliffhangers efficaces et des personnages qui s’apprivoisent pour mieux nous toucher. Alors, certes, on sent que les acteurs ne s’épanouissent pas autant qu’ils le devraient (il a été évoqué le problème de la langue : le tournage s’est fait semble-t-il à moitié en français et en anglais, avec des acteurs européens pas tous bilingues… mais il y a surement quelques problèmes de casting), que les ficelles du scénario sont parfois grosses et que les choix de réalisation sont étranges. Odysseus est une série imparfaite dont les gens sont facilement déçus : mais non, ce n’est pas Rome. Pourtant c’est une série qui a beaucoup de mérite.
Du mérite d’exister, car c’est une première grosse coproduction européenne historique qui n’a pas choisi la facilité de faire appel aux américains (alors qu’il y a beaucoup plus de moyens dans Borgias, je préfère largement regarder Odysseus !). Du mérite de pousser un peu plus loin les barrières de ce qu’on a l’habitude de voir à la télé française. Bien sûr qu’on en espérait plus, mais c’est un premier pas, et c’est le premier pas qui compte. Du mérite de vouloir nous raconter une histoire forte, avec des thèmes très humains et des personnages aux failles touchantes malgré les difficultés de monter un tel projet : elle le fait certes de façon très classique, mais cela a toujours été efficace. Et surtout, elle a le mérite de nous donner envie de voir la suite. De rester dans la salle, encore un épisode de plus, de créer une addiction et de se bonifier au fil des épisodes, et ça c’est une sacrée réussite ! C’est donc une série qu’il faut regarder et jusqu’au bout, et dont il faut espérer qu’elle pave la voie à de nouveaux essais d’envergures.
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